Risques lors de transferts de liquides inflammables
Janvier 2019
Le 20 novembre 2017, une explosion de solvant a eu lieu chez un fabricant de cosmétiques aux États-Unis. La vidéo de surveillance montre une étape de transvasement d’un liquide inflammable (hexaméthyldisiloxane, point d’éclair -8 °C) d’un fût de 200 litres dans un RIBC[1]. Au niveau de l'ouverture de remplissage, une nappe de liquide se forme. Lorsque l'employé essuie la surface du RIBC pour le nettoyer, une explosion se produit.
Image 1 : Images d'une vidéo de surveillance décrivant l'accident
Description du phénomène
Un examen plus attentif des conditions techniques et de l'action de l'employé montre rapidement que les conditions d'une explosion (à la fois : carburant, oxygène en tant que comburant et source d'inflammation efficace) étaient présentes.
D'importantes règles techniques de protection (prévention de l’apparition de l’atmosphère explosive ou des sources d’inflammation) contre les explosions n'ont pas été observées dans ce cas particulier.
1. Création d’une atmosphère inflammable
En manipulant à l'air libre des substances inflammables, avec des points d'éclair inférieurs à la température ambiante, les vapeurs qui s’échappent peuvent rapidement créer une atmosphère explosible locale. Afin de prévenir ce scénario, une ventilation adéquate comportant un système d’extraction locale permettrait de diluer suffisamment les vapeurs et de réduire drastiquement le volume de l’atmosphère inflammable. Ces systèmes doivent inclure un bras mobile d’aspiration qui doit être placé le plus près possible de la source d’émission des vapeurs et être relié à un système de traitement des effluents pour éviter le rejet de COV dans l’atmosphère (filtre à charbon, laveur, incinérateur, etc.).
2. Analyse des sources d’inflammation
Sans extraction, la probabilité qu’un mélange combustible s’enflamme augmente avec le temps. Les sources d’inflammation présentes en milieu industriel sont nombreuses en particulier si le local n’est pas classé ATEX et adapté au risque formé par les atmosphères inflammables : sources d'inflammation électrique, non électrique et électrostatique. Dans cet exemple, l'atmosphère explosive s'est enflammée alors qu’un employé nettoyait la surface du RIBC avec un chiffon. En l'absence de sources évidentes d'inflammation, telles que des flammes nues, des équipements électriques ou des surfaces chaudes au niveau de la zone où l’inflammation s’est produite, la source d’inflammation la plus probable est une source d’inflammation d’origine électrostatique.
Des charges électrostatiques dangereuses sont générées pendant les phases où deux substances différentes sont frottées l’une contre l’autre puis séparées, par exemple lors de l’écoulement de liquides dans des canalisations ou lors du frottement de surfaces isolantes les unes par rapport aux autres. Dans l'événement décrit, les types de décharges suivants sont envisageables :
• Décharge de type étincelle entre le personnel chargé et non mis à la terre et la grille métallique conductrice du RIBC.
• Décharge de type étincelle entre les RIBCs chargés et non mis à la terre à l'opérateur
• Décharge de type étincelle entre le fût non mis à la terre et la grille métallique du RIBCs
• Décharge de type aigrette de la surface du RIBC chargé par frottement du chiffon de nettoyage vers un objet conducteur (opérateur / grille IBC).
3. Solutions techniques
Les exigences relatives aux conteneurs utilisés pour les substances dangereuses inflammables ou dans des atmosphères potentiellement explosives constituent un aspect important, mais souvent sous-estimé. Les réglementations techniques telles que la IEC/TS 60079-32-1 et TRGS 727, décrivent en détail les exigences techniques et les procédures nécessaires pour éviter les risques d'inflammation dus à l’électricité statique. Ces deux documents insistent sur le fait que les conteneurs en matériaux complètement isolants ne doivent jamais être utilisés dans des zones où une atmosphère inflammable est attendue occasionnellement sous des conditions normales de procédé (zone 1) et en particulier pour les opérations de remplissage, de transport, de stockage, de maintenance sur site et de vidange de liquides inflammables lorsque leur volume dépasse 5 litres. Au-delà de ce volume, pour les RIBC par exemple (voir Figure 2), d’autres matériaux doivent être employés ou des revêtements dissipateurs doivent être appliqués sur les matériaux isolants pour leur permettre de dissiper correctement les charges électrostatiques en présence d’une mise à la terre correcte (R<1M Ω).
Image 2 : Représentation d'un RIBC et des mesures de sécurité lorsqu'il est utilisé avec des substances dangereuses inflammables. Source : TRGS 727
- 1. Le couvercle doit être conducteur ou dissipateur et mis à la terre ou isolant mais non chargé dangereusement
- 2. Conteneur de liquide isolant
- 3. Liquide non combustible ou liquide inflammable, à l'exception des liquides des groupes IIC et IIB avec une EMI <0,2 mJ
- 4. Grille conductrice, mise à la terre, en contact avec le récipient de tous les côtés, divisant les surfaces de plastique isolant en petites surfaces inférieures à 100 cm2
- 5. Revêtement intégral conducteur ou dissipatif avec contact à la terre
- 6. Raccord de sortie conducteur et mis à la terre
- 7. Liquide en contact avec le point de mise à la terre, ici par exemple sur le raccord de sortie
- 8. Utilisation de palette métallique
- 9. Sol conducteur ou dissipatif
- 10. Borne de terre
Les RIBC réalisés en suivant les recommandations de la TRGS 727 ou de la IEC/TS 60079-32-1 sont certifiés (étiquette jaune pour les liquides de groupe d’explosion IIA, l’éthanol, le propanol, le butanol, l’hexanol, l’heptanol, le 1,2-ethanediol, l’éthylbenzene et le 3-oxobutanoic acid ethyl ester et verte pour tous les liquides IIB. Les liquides de groupe IIC ne doivent pas être conditionnés en RIBC isolant),
Les précautions mentionnées ci-dessus ne s’appliquent que pour le stockage et le transvasement de liquide. Elles ne sont en aucun cas suffisantes pour des opérations de mélange, qui pourraient être réalisées dans de tels équipements. En outre, les conteneurs destinés à être utilisés dans des atmosphères explosibles doivent être inspectés périodiquement pour assurer que les exigences électrostatiques indiquées du RIBC utilisé restent satisfaites. De même, lors de l'utilisation de RIBC avec une cuve en plastique dissipatif, l'équipotentialité de la cuve avec les éléments conducteurs doit également être validée.
Conclusion
Les personnes manipulant des substances inflammables, qu’il s’agisse de poudres, de gaz ou de solvants, doivent être formées sur les mécanismes de base d’une explosion et de sa phénoménologie pour être à même de reconnaitre une situation de danger. Parallèlement la protection et la prévention des explosions pourra être assurée par le respect des principes suivants :
1. Limiter le volume ou empêcher la formation d’une atmosphère explosible par la mise en place d’une ventilation par exemple
2. Dans les zones où une atmosphère explosible ne peut être totalement supprimée, la fréquence d’apparition des sources d’inflammation doit être réduite. Ce point sera rempli en choisissant des équipements adaptés à la zone ATEX dans laquelle les équipements seront installés et en respectant les préconisations décrites dans les guides TRGS 727 et IEC/TS 60079-32-1.
3. Dans l’hypothèse où les sources d’inflammation ne peuvent être exclues de manière suffisamment fiable, des protections constructives doivent être installées pour protéger les travailleurs des effets d’une explosion.
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[1] Rigid Intermediate Bulk Container (RIBC)
Contact : Martial Vantieghem
Tél : | +49 (0)174 211 5217 |
Email : | martial.vantieghem@tuev-sued.ch |
Localisation : | TÜV SÜD Process Safety Mattenstrasse 24 CH-4002 Basel |